samedi 30 mai 2015

La Guêpe et L' Orchidée

Le brouillard matinal à l'intérieur de l'appartement ensevelissait son esprit, un marécage de sang failli la faire chuter de plein fouet dans l'entrée mais elle se rattrapa alors à la poignée ronde de la porte bleue déjà promise au sol à presque 50 degrés. Des bris de verre éclatés témoignant de l'impact surgissaient de partout. Elle se laissa glisser, chercha où était-elle ? Dans quelle partie, dans quel lieu ? Contre un mur, appuyée, cheveux en broussaille, des bris de verre encastrés sur toute une partie du corps, des vêtements sales et déchirés, le visage défait. Elle sursauta de crainte quand elle l'aperçu à travers la porte d'entrée qui l'observait attentivement : cool, en jeans maillé noir ébène avec des baskets à contreforts rouge très clair, presque junior, flottant d'indécision, dès qu'il vit l'état de l'hôtel, sans plus perdre un instant, se pencha lentement sur elle, lui murmura sous la nuque et très doucement, je suis désolé. Il entreprit de l'aider à se lever pour ne pas qu'on les localise et changer de trajectoire, quand il réalisa qu'elle le faisait bander comme une météorite et qu'il fallait déguerpir ensemble au plus vite.


Après la baise, clop au bec, il lui concoctait les restes d'une pure bouillabaisse qui les comblaient infiniment pour lui dire à nouveau et autrement combien follement il aimait batifoler aussi librement avec elle, et ainsi pouvoir recommencer aussitôt, encore, encore et encore de toutes nouvelles façons, jusqu'à ce que les murmures finement ouatés de la pluie cessent sous le toit.


A poil, le torchon sur l'épaule, debout devant le plan de travail, il effrita une tête d'ail fraîche pour en délocaliser les gousses et les jeter avec la peau dans une casserole qui avait fait ses preuves, enduite d'une huile d'olive italienne sur un lit de sel rose, trois pincées de poivre blanc, puis les laissa se jardiner seules à feu minimal, en écoutant la pluie rigoler toute seule sur la maison, l’appentis, la caisse et sur les arbres en face de la cuisine : 

Les deux frênes plantés devant lui s'ébrouèrent, et un chêne en mauvais état le regarda d'un sale œil - celui sous lequel il avait fait la sieste une fois avant de raviser à jamais, coup de frais garanti et place étrange que ce drôle d'arbre qui donnait à voir de lui-même des portraitures qui pouvaient faire peur aux moineaux mais ravir quelques visiteurs. 

Il pensa à elle, ouvrit le frigo, le referma et remonta illico dans la chambre pour l'enlacer encore, la voir. Il la réveilla comme elle aimait bien encore une fois, la serra contre lui à nouveau puis s'envola dans la douche à toute vitesse, se sécha à moitié, enfila ses tongs et dévala les escaliers comme un taureau pour sauver la peau de l’aïoli : les gousses étaient parfaites, caramélisées, odorantes et juste à point, il éteignit le feu : la préparation de la bouillabaisse s'annonçait super.


L'éloge du blasphème lui tomba des mains, ceux qui tombent ne la tenta plus guère.

Elle descendit : 
Couvert d'un pagne, il avait déjà fait revenir séparément la salicorne et le pourpier ramassé dans un champ qui reposaient heureux dans deux bols japonais creux, émaillés vert. 

Assisse sur la troisième marche en partant du bas, elle le regardait dans tous ses gestes, de dos en cuisine. Il se tourna vers elle à peine fut-elle installée et vint s’asseoir au sol, entre ses jambes, s'appuyer contre elle sans un mot en continuant la préparation : les pommes de terre. 

Puis se leva, remisa lesdites pommes de terre, au frigo, revint vers elle immédiatement, glissa sa main sous sa nuque et murmurant niché dans son cou : 

- Tu viens ? J'ai oublié le blanc. 

Elle remonta dans la chambre pour s'habiller, quand elle le rejoignit, le moteur tournait déjà, il regardait au loin, elle se glissa à côté de lui, claqua la porte, et le regarda dans les yeux.

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